Ecrire sur tous les fronts

Publié le par Elwin

Vous aurez remarqué...

...que mes projets avancent lentement, en particulier arrivés à ce que j'appelle un "point d'étranglement". Il ne s'agit pas du moment où votre femme essaye de vous étrangler, parce que vous passez trop de temps devant le PC (quoi que...) mais de celui où vous vous trouvez avec un nombre maximum de chapitres à rédiger frontalement.

Dans les premiers temps vous avez commencé simplement. Vous avez posé le concept fondateur de votre jeu, puis vous avez débuté la rédaction en faisant les premiers choix. Ils ont une portée générale, ont donc un impact maximum, mais sont normalement déjà calibrés dans le concept initial : moteur du jeu, grandes factions du contexte, scénario type, etc..
Le travail consiste ensuite à les affiner tranquillement pour gagner en "focus" au fur et à mesure. Vous savez au début que le Méchant de votre jeu est l'ignoble Empire de Fuca, mais en rédigeant vous avez réussi à dessiner des forces internes: le fuyant conseiller Fucus, la secte des alchimistes fous de maître Bourdaine, et l'ambigüe princesse Glucofranguline.
Bien. Le nombre d'informations et de facteurs à maitriser a augmenté, mais est encore tenable. Dans le cas du contexte vous pouvez progresser tranquillement, en traitant l'écriture de chaque faction/lieux  de manière séparée. Votre seule mémoire devra suffire à préserver la cohérence générale si vous travaillez seul.

Les choses se compliquent un peu avec l'écriture des règles. Si vous avez separé de manière tranchée ces dernières du contexte, vous ne connaitrez peut être même pas le point horrible que je vais évoquer. Pour Etherne mes règles sont classiques et assez narratives (le combat seul étant effectivement un peu plus simulationniste), j'ai donc pu les écrire quasiment de manière séparée. Les problèmes étant traités les uns après les autres je n'ai pas subi d'"étranglement."

Il en est tout autre avec Hunahpu, où dès le début l'enjeu était d'intégrer étroitement les règles au contexte, et vice versa. Les sorts, en particulier, permettent d'influer sur les deux échelles du jeu (Cités et Héros), de faire appel aux dieux et à leurs serviteurs, doivent s'intégrer au contexte, et mettre en application les choix faits vis à vis de la place des PJ dans le monde.




Donc, quant j'en suis arrivé à la rédaction des sorts il était nécéssaire d'avancer sur tous les chapitres susceptibles d'interagir. D'une progression linéaire il fallait maintenant gérer l'écriture et la conception de trois chapitres différents. En effet comment écrire, techniquement parlant, un sort permettant d'améliorer les moissons si la façon de gérer ces dernières au sein des cités n'est pas posée? Comment qualifier l'utilité d'un serviteur qu'on veut pouvoir invoquer, si on n'a pas posé les premiers moyens d'apprécier ses caractéristiques et son comportement? Etc.

Bref, le nombre de données à maitriser a explosé et a passé un seuil psychologique, une sorte de mur du découragement qu'on pourrait calculer ainsi:




Bref, trop de choses, pas assez de mains et on lâche l'affaire, surtout quant on veut tout, tout de suite.
Alors, lecteur inquiet, tu te demandes comment triompher de l'adversité? Je n'ai pas de remède miracle, mais je pense que quelques conseils peuvent aider :
  • D'abord comprendre où se trouve le point d'étranglement et comprendre sa nature. Cela permet de lâcher un peu la pression: oui, ça sera normal de peiner quand on sera arrivé à ce stade de développement. ça ne veut pas dire que vous êtes nuls, incapables de suivre le projet jusqu'a sa fin, etc. C'est juste que vous êtes arrivé à un point critique, et qu'il va falloir tenir contre le courant.
  • Anticiper le problème. Puisque vous savez qu'il va y avoir un problème d'interaction il est temps de faire la liste de tous les cas de figure qui vont se présenter, ou de les marquer clairement dans le manuscrit ( souligner, écrire en rouge, etc.). Il y a peut être un ordre logique d'écriture qui va ainsi se présenter, avec des préalables indispensables. Ils seront à traier en premier.
  • En conséquence, avancer méthodiquement. Une fois le chemin de progression tracé  il n'est plus nécéssaire de regarder tout ce qui vous reste à faire, mais il faut avancer marche après marche, sans s'épuiser par des soucis inutiles. Il sera de toute façon toujours nécéssaire de tout relire et contrôler à la fin. Chaque chose en son temps.
  • Se limiter à l'utile. Il est facile de dériver, en particulier quant on a des préférences marquées en terme de création (j'aime écrire sur les ours, pas sur les compétences, je fais donc quatre chapitres sur la vie des plantigrades et rien sur le moteur de règles...). Cela freine l'avance, et sera toujours faisable plus tard, quant les vrais problèmes auront été traités.
  • Ne pas espérer écrire un jeu en quelques semaines, ou même quelques mois. Mieux vaut des auteurs qui tiennent le choc dans la longueur que ceux qui font feu de paille. Ces derniers peuvent faire des merveilles sur des exercices courts (scénarios, aides de jeu) mais sur un gros projet ils vont déguster.
Sous ces conditions le désagréable point d'étranglement peut être repris pour ce qu'il est: une étape ardue, mais pas la fin de l'aventure, si l'on s'en donne la méthode.
Oui je sais, ça fait vieux con de dire ça. Mais malgré la diversité des projets et de leurs auteurs, ce fameux point où l'on est débordé arrive souvent, voir toujours au cours de la vie tumultueuse d'un projet. ça n'est pas forcèment un problème de régles, comme ici, mais d'une manière ou d'une autre il finira par tomber sur l'auteur solitaire. Soyez donc préparés! :)

E.






Publié dans Blabla conceptuel

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P
Oh maître Elwin ... ton dernier schéma est plus que parlant, je m'y retrouve parfaitement. Merci pour cette article qui colle parfaitement à mon actualité! @bientôt l'ami.
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N
Voilà un article comme j'aime. J'apprécie les réflexions sur le travail. Il n'est pas toujours nécessaire de théorisé mais j'apprécie la tentative d'expliquer. C'est rare dans le milieu rôliste... surtout sur le sujet de la panne d'un projet. L'étranglement est vrai pour les grands projets comme pour les petits.
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E
<br /> Mon texte est un peu brouillon et pas très argumenté, mais l'idée est posée. Il y a tellement de points de blocage dans un projet (et d'échec, finalement) qu'il me semblait intéressant de se<br /> pencher dessus pour essayer d'isoler au moins un de ces cas. Mais il reste beaucoup à dire! :)<br /> <br /> <br />